Vendredi 24 juin 2016 :
La randonnée que nous avons prévue pour aujourd'hui n’est pas des plus
faciles et devrait plutôt se faire l'après-midi si on veut bénéficier des
meilleures conditions d'éclairage. La météo nous annonce à nouveau des
températures de l'ordre de 40 degrés à l'ombre à partir de la fin de matinée.
Nous décidons donc de modifier notre organisation et de démarrer notre rando de
bonne heure afin de faire la partie la plus pénible à la fraîche (si on peut
parler de fraicheur !). Une fois arrivés à destination, nous attendrons un
peu sur place pour bénéficier de conditions de luminosité pas trop mauvaises.
La randonnée qui doit nous conduire à Delta Pool n'est pas très longue
(2 à 3 km aller) mais elle combine plusieurs difficultés. C'est une balade non « officielle »
qui n'a donc pas de sentier aménagé. Comme il n'y a que très peu de personnes
qui la fréquentent, il est totalement inutile d’espérer pouvoir suivre les traces
de nos prédécesseurs une fois sur place. Il faut donc ne compter que sur soi-même
et se débrouiller pour l’orientation ! Complication supplémentaire, on ne
trouve que très peu d’indications sur internet. Quand je dis très peu, je
devrais plutôt dire aucune ou presque. Et c’est tant mieux ! On ne devrait
donc pas y rencontrer grand-monde ...
La première partie de la randonnée est la plus délicate. Il faut franchir
une falaise qui fait environ 150 mètres de dénivelé, en passant alternativement
par des zones rocheuses et des éboulis pas toujours aisément négociables.
Un seul et unique passage permet de vaincre cette falaise et d'accéder
au plateau situé juste à l'arrière. Ce passage est loin d'être facile à
trouver. Heureusement, nous avons eu un petit coup de main d'un ami « Routard »
pour le localiser. Sans cette aide, notre progression aurait sans doute été beaucoup
plus compliquée. Le Graal de cette ascension, c'est le célèbre (auprès des
aficionados de l'ouest américain) cairn de Philippe S. alias Sedonax. Quand on
le voit, c'est gagné ! C'est LE point qu’il ne faut pas manquer et qui ouvre la
voie à la poursuite de la randonnée.
Quand on peut enfin profiter de cette vue, le plus dur est fait !
Reste maintenant à traverser le plateau. Un gros kilomètre à vol
d'oiseau, beaucoup plus en réalité car il est souvent impossible de progresser
en ligne droite. La première partie de la traversée est assez éprouvante. Il
faut se frayer un chemin dans un immense champ de monticules blancs entrecoupé
de profondes crevasses parfois infranchissables. La progression n'est pas
rapide, on alterne sans cesse les montées et les descentes. Nous avons bien
fait de commencer de bonne heure, car en plein soleil, cela ne doit pas être
une partie de plaisir.
La seconde partie est beaucoup plus simple. Le plateau devient
quasiment sans reliefs et on peut enfin progresser à un bon rythme.
Soudain la roche blanche cède la place à du grès rouge. C’est le signe
que nous sommes à l'extrémité du plateau, et que nous n’allons pas tarder de
toucher au but.
Il ne reste plus qu'à localiser Delta Pool, une jolie piscine en forme
de triangle d'une quinzaine de mètres de longueur, et surtout espérer qu'elle
soit bien en eau, ce qui n’est pas toujours le cas. Pour nous c'est bon, il y a
un niveau d'eau tout à fait correct. Et bonne surprise, Delta Pool est bien
plus impressionnante que le laissaient supposer les photos vues sur internet.
Par contre, question éclairage, c'est loin d'être le top, elle est entièrement
dans l'ombre.
Mais nous avons le temps ! Petite sieste matinale sur le bord de
cette étonnante piscine …
… et après une bonne heure de farniente, le soleil commence à gagner
du terrain.
Il est maintenant temps d'aller explorer les environs de Delta Pool
qui se révèlent très intéressants. On y trouve de nombreuses piscines asséchées
...
... et quelques-unes en eau.
Mais rien qui puisse rivaliser avec Delta Pool, qui est maintenant (il
est environ 10h30) sous un éclairage plus correct.
Un dernier coup d’œil à ces somptueux paysages …
… et nous prenons le chemin du retour. Même si elle se fait
intégralement dans le sens de la descente, la randonnée est un peu plus pénible
que lors de l’aller. Nous sommes en fin de matinée et la chaleur est maintenant
bien présente. Plus que bien présente ! Heureusement, nous avons des
réserves de boissons fraîches dans notre fidèle 4x4. Quel bonheur !
Voilà qui met fin, de très belle manière, à nos visites hors des
sentiers battus. Nos deux dernières journées seront en effet consacrées à des
sites beaucoup plus classiques dans l'état du Colorado.
Avant de rentrer sur Moab, nous faisons un arrêt au Mill canyon
Dinosaur tracksite pour voir quelques empreintes de dinosaures. Mais rien de
bien enthousiasmant.
Après un repas rapide, c’est parti pour la séance traditionnelle de bichonnage
de notre voiture. Le but, comme toujours, est d'effacer les traces trop
évidentes de nos nombreux passages sur les pistes (strictement interdits avec
les voitures de location classique). Mais il y a une nouveauté cette année, le
passage complet de la carrosserie au polish. En effet, notre passage dans une
zone de quasi « jungle » pour nous rendre aux pétroglyphes du Butler
Wash panel, a causé de très nombreuses rayures dont certaines, sur toute la
longueur de la voiture, sont très marquées et très voyantes. Hier soir nous
avons donc acheté un produit qui se révèle quasi miraculeux : Scratch Out
(bouteille plastique jaune), payé 2,99 dollars. Le résultat est tout simplement
ahurissant. Toutes les petites rayures ont disparu et les plus grosses ont
été largement amoindries. Nous étions un peu inquiets, nous voilà grandement
rassurés.
Ce soir nous dormons à Grand Junction au Colorado. Plutôt que de
prendre la route directe pour nous y rendre, nous décidons de suivre la route
128 qui longe le Colorado. Nous avons déjà emprunté cette route à plusieurs
reprises, mais nous ne nous en lassons pas.
Le Colorado fin juin, c'est un peu notre autoroute du Soleil en
été !
Juste avant de rejoindre l'autoroute I70 qui doit nous conduire
jusqu'à Grand Junction, apparaît sur notre droite un petit panneau indiquant « Cisco ».
Ce nom nous dit quelque chose, mais nous ne savons plus quoi. Cette petite ville
mérite peut-être bien le détour ... Nous avons un peu de temps devant nous,
alors pourquoi pas, nous verrons bien.
Très bonne surprise, Cisco est une ville fantôme, mais d'un aspect
très particulier. Ambiance post-apocalyptique étonnante. On s'y croirait ! Au
détour de chaque coin de rue, devant chaque maison, près de chaque carcasse de
voiture on s'attend à voir surgir une horde de morts-vivants. Sensation hyper
réaliste et presque flippante ! Amateurs de la série « Walking Dead »,
il faut venir ici de toute urgence. Par contre, si des zombies hantent déjà vos
cauchemars, un conseil, passez votre chemin car Cisco n'est vraiment pas faite
pour vous ...
En seulement quelques secondes, nous nous retrouvons plongés dans un
autre univers. Nous sommes ailleurs ! Dès notre arrivée nous sommes
accueillis par des messages de mise en garde inquiétants, voire menaçants. Et
il ne s’agit pas d’un ou deux message(s), il y en a partout ! Tous ces
panneaux renforcent encore le sentiment de malaise que l’on ressent dans cette
ville et ajoute une petite dose d’angoisse qui pimente la visite.
Ce panneau, c’est le sentiment post-apocalyptique qu’il renforce. On a
vraiment l’impression que la ville vient d’être abandonnée il y a quelques
heures, quelques jours tout au plus, ou plutôt que ses habitants viennent de
disparaître. Mais est-ce seulement une impression ?
Partout on trouve une multitude de petits détails qui rendent Cisco
étrangement vivante même si nous savons fort bien que ce n’est pas le cas.
Pourtant on y ressent une présence, sans doute celle de ses anciens habitants.
Mais est-ce la présence de ces anciens habitants que l’on ressent ou bien celle
d’autres créatures …
Au cours de notre visite nous tombons sur cette étrange construction.
Quelle peut bien être son utilité ? Un poste de défense avancée ?
Mais pour se défendre contre quoi ?
Ce que nous verrons le plus à Cisco, ce sont des carcasses de toutes
sortes de véhicules. Sans doute beaucoup plus de véhicules que d’habitants du
temps de la splendeur de cette petite ville. Il y en a partout ! D’où
proviennent-ils ? Comment sont-ils arrivés là ? Encore des questions
qui resteront sans réponses.
Nous sommes entrés dans certaines des habitations dont les portes
étaient grandes ouvertes. Nous avons jeté un coup d’œil à l’intérieur des
camping-cars. Mais jamais nous ne nous en sommes approchés sans prévenir, à grand
renfort de bruit et d’appels, de notre arrivée. On ne sait jamais sur qui ou
sur quoi on pourrait tomber.
Un dernier conseil concernant Cisco : ne venez pas ici à la
tombée du jour et encore moins la nuit. Je suis absolument certain que des
créatures étranges et inquiétantes s’y promènent …
Une petite heure après avoir quitté Cisco nous arrivons à Grand
Junction où nous dînons au WWPepper (sortie n°31 sur la I70). Spécialités de
viandes et specialités mexicaines. Une très bonne adresse.
Ce soir ce sera double ration de bière (généralement elles ne sont pas
fortes aux Etats-Unis, nous pouvons donc nous le permettre) pour nous remettre
de nos émotions lors de notre visite de la ville de Cisco. Mais attention, car
légalement c’est interdit ! Pour les conducteurs, le taux limite d’alcoolémie
le plus courant aux USA est de 0,1 g/l ! Espérons que nous ne croiserons
pas le sheriff sur le chemin du retour, car sinon la fin de notre séjour sera elle
aussi chargée en émotions …